Le Québec étoilé entre dans la constellation Michelin
Il y a des dates qui marquent et qui sont déterminantes. Le 15 mai 2025 en est une pour le Québec. Ce jour-là, le Guide Michelin, bible planétaire de la gastronomie, a inscrit le nom de notre province sur sa carte. La Tanière³ à Québec reçoit deux étoiles et huit autres restaurants reçoivent une étoile. Ce qui fait que le Québec devient la nouvelle étoile montante du Canada culinaire. Mais cette reconnaissance n’est pas qu’un honneur. C’est un signal stratégique, un levier économique, une aura internationale.
⭐⭐ Consécration historique : La Tanière³, le souffle du terroir en deux étoiles
Deux étoiles (Cuisine d’exception) pour La Tanière³, c’est la consécration d’une philosophie du goût : terroir boréal, audace technique, esthétique minimaliste. Dans un décor souterrain du Vieux-Québec, entre murs de pierre et esprit contemporain, le chef François-Emmanuel Nicol orchestre depuis des années une cuisine de terroire, de mémoire et d’avant-garde. Cette double reconnaissance – rare, même en Europe – vient souligner une maîtrise exceptionnelle du goût québécois : produits boréals, fermentations savantes, gestes millimétrés et narration culinaire assumée.
Ce qui est reconnu aujourd’hui, c’est une cohérence, une lisibilité culinaire. Québec offre cela, en plus d’un lien étroit entre salle, terroir et chef. Que Québec devienne la « capitale gastronomique » du Québec peut sembler ironique, alors que Montréal jouit d’une réputation bâtie depuis des décennies. Mais à y regarder de plus près, ce n’est pas un affront, c’est un appel. Montréal possède les talents. Ils seront sans doute récompensés dans les éditions à venir.
⭐ Huit autres étoiles brillent dans la nuit québécoise
Huit établissements, Huit voix singulières reçoivent leur première étoile qui souligne une « Cuisine d’une grande finesse » répartis entre Montréal, Québec et Rimouski :
- Jérôme Ferrer – Europea (Montréal) – cuisine raffinée et théâtrale, alliance des produits nobles et de la grande tradition française
- Mastard (Montréal) – menu carte blanche, instinct du terroir et produits locaux sublimés par sauces et émulsions remarquables
- Sabayon (Montréal) – cuisine végétale raffinée, locale et créative, signée par un pâtissier visionnaire.
- Arvi (Québec) – cuisine québécoise moderne, locale et inventive dans un décor urbain vibrant.
- Kebec Club Privé (Québec) – table d’hôte intime, cuisine québécoise précise, produits locaux et ambiance conviviale.
- Laurie Raphaël (Québec) – cuisine moderne et raffinée, saisonnière et inventive dans un décor élégant et contemporain.
- Légende (Québec) – Cuisine locavore inventive, ingrédients québécois oubliés, maîtrise technique et grande créativité.
- Narval (Rimouski) – cuisine d’auteur intime, libre et sensible au fil du fleuve, inspirée de voyages, dans un cadre chaleureux et raffiné
Ce que Michelin salue ici, c’est l’intégrité. Une assiette qui dit quelque chose, un service attentif, sans prétention et une adresse à laquelle on revient !

Étoiles Vertes – pratiques écoresponsables
Le guide a également salué trois établissements pour leur engagement environnementale exceptionnel, comme quoi l’écologie peut s’inviter à table.
- Alentours (Québec)
- Auberge Saint-Mathieu (Saint-Mathieu-du-Parc)
- Espace Old Mill (Stanbridge East)
Ces adresses démontrent que gastronomie et durabilité peuvent coexister avec élégance et exigence.
Une scène culinaire enracinée, mais tournée vers l’avenir
La sélection 2025 consacre aussi des restaurants accessibles (via la mention Bib Gourmand – « une excellente cuisine à prix modéré » : Cette distinction célèbre les adresses qui offrent un rapport qualité-prix remarquable. Des plats généreux, une exécution soignée, le tout sans faire exploser la facture.) et des dizaines d’adresses recommandées, souvent menées par de jeunes chefs ou des brigades indépendantes (Annette bar à vin (Montréal), Battuto (Québec), Bistro B (Québec), Buvette Scott (Québec), Cadet (Montréal), Casavant (Montréal), Côté Est (Kamouraska), Hono Izakaya (Québec), Le Petit Alep (Montréal), L’Express (Montréal), Losange (Rimouski), lueur (Québec), Melba (Québec), Ouroboros (Québec), Parapluie (Montréal), Rôtisserie La Lune (Montréal), Tori Izakaya (Québec))
À travers elles, le guide souligne la richesse d’un écosystème culinaire où se croisent :
- produits identitaires : sirop, gibiers, champignons, petits fruits
- mémoire vivante : tourtières, marinades, fèves au lard
- créativité : fermentation, cueillette, zéro-déchet, hybridations
Cette reconnaissance est aussi celle des cueilleurs, des fromagers, des pêcheurs, des maraîchers et autres producteurs et transformateurs du Québec qui alimentent ces cuisines depuis toujours.
Le Québec, nouvel épicentre gastronomique canadien
Le Guide Michelin a visité Vancouver, Toronto, Calgary. Mais il n’avait jamais posé ses valises au Québec. Pourquoi maintenant ?
Parce que le Québec a su :
- Structurer une scène culinaire cohérente et inventive
- Valoriser ses produits identitaires (érable, canneberges, fromages, petits fruits nordiques)
- Développer une vision gastronomique ancrée dans le territoire
- Porter un leadership touristique et économique fort grâce à Tourisme Québec et l’Alliance de l’industrie touristique, l’Association Restauration Québec (ARQ) et la communauté d’affaires
Résultat ? Le Québec dépasse Toronto dans l’attention du Guide. C’est une repositionnement stratégique sur l’échiquier gastronomique canadien.
Au-delà de la cuisine : un impact économique réel !
L’arrivée du Guide Michelin représente bien plus qu’un clin d’œil culinaire, pour l’industrie, c’est un catalyseur. On parlera ici d’un “effet Michelin” !
- Hôtelier : plus de séjours, plus de nuitées, plus de forfaits
- Investissement : consolidation d’un écosystème économique autour de l’identité culinaire québécoise
- Attraction touristique : le voyage gastronomique devient un moteur régional, les restaurants étoilés attirent une clientèle internationale à fort pouvoir d’achat
- Chaîne de valeur : effet domino avec un impact économique pour les producteurs, les transformateurs, les artisans, les vignerons, les éleveurs, etc.
Chaque étoile est un multiplicateur d’attractivité, un outil de diplomatie culturelle, un facteur d’ancrage régional. Pour les chefs, c’est un tremblement de terre : visibilité, nouvelles clientèles, réservations prises des mois à l’avance. Mais aussi pression, maintien de l’excellence, surcharge émotionnelle.
Une scène culinaire à l’écoute du monde et qui parle notre langue.
Avec cette reconnaissance, le Québec entre dans le club restreint des régions gastronomiques mondiales où le terroir devient narration, et la cuisine, un vecteur de rayonnement culturel. C’est aussi une opportunité de revendiquer une identité culinaire francophone nord-américaine unique. Ni française, ni canadienne-anglaise, ni scandinave, mais québécoise, dans sa complexité, ses racines, ses influences autochtones, européennes et migrantes. Le Michelin reconnaît ici une cuisine qui pense en français, qui vit avec l’hiver, qui parle à travers les racines, les fumées, les érables. Une cuisine identitaire, mais perméable. Raffinée, mais populaire. Consciente, mais joyeuse. C’est la cuisine d’un peuple qui n’a jamais cessé de se réinventer avec ce qu’il a sous la main – et dans le cœur, qui a capitalisé à travers la richesse et la diversité migratoire. Une cuisine décomplexée !
Michelin est-il un objectif ou un point de départ ?
Certains chefs s’interrogent. Faut-il courir après l’étoile ou rester fidèle à une liberté créative? Le Michelin uniformise-t-il ou valorise-t-il ?
À ces questions, le Québec apporte une réponse nuancée. Nos chefs n’ont pas cherché l’étoile. Elle est venue à eux. Et c’est cette humilité, cette authenticité, qui fait notre force.
Ce qui est à retenir :
Le Guide Michelin ne vient pas faire la pluie et le beau temps. Il vient mettre en lumière ce qui pousse déjà ici depuis longtemps. La gastronomie québécoise entre dans l’histoire mondiale. Ce moment est fondateur, mais il doit être un tremplin, pas un sommet. Le vrai défi commence maintenant :
- Former, fidéliser et valoriser le personnel en salle
- Rémunérer les producteurs équitablement
- Garder l’accessibilité malgré la renommée
- Continuer à raconter une histoire dans l’assiette
Notons que le Québec est la première province canadienne à accueillir le Guide Michelin sur l’ensemble de son territoire. Si Toronto et Vancouver possèdent leur édition depuis 2022, elles ne couvrent que le territoire de ces deux villes.
À nous de continuer à écrire le reste ! Chez Goûtez le Québec, notre rôle n’est pas de répéter les étoiles, mais de creuser sous les nappes. : rencontrer les gens, comprendre les gestes, sentir les terroirs. Nous continuerons à documenter cette évolution, non pas comme spectateurs, mais comme passeurs de récits culinaires.
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